L'oiseau sorcier né tout armé de la vierge à
la jupe de serpents repousse d'une étincelle
ses quatre cents ennemis excités
par les souilles des ténèbres tenaces renaissant
comme l'oeil s'ouvre et se ferme de leur
cadavre toujours prêt à le harceler
Il les conduit avec la certitude des torrents
appelés par leur apothéose vers la plante
aux disques perfides narguant Tlaloc sur
qui se donne le spectacle prophétisé d'un
mythe de monde naissant
Ici vivront dans leur demeure nimbée de sang
les vrais chefs du jour et de la nuit
aztèques les seigneurs qui soufflent sur
la poussière pour irriter les âmes d'eau
et de feu et leur suite suant l'angoisse
Les maîtres d'en-haut riant à fleurs écloses et
Les maîtres d'en-haut riant à fleurs écloses et
d'en-bas éteints qu'un foyer asphyxié
par leur haleine ne recevront jamais assez
de cours conquis de hautte lutte sur un
partenaire exalté par un amour solaire
Il y a de quoi Le héros tout mouillé franchit
Il y a de quoi Le héros tout mouillé franchit
d'un bond luimieux une étendue battant
des mains neigeuses à son passage et tous
le saluent d'une goutte ou d'un lac de vie
jusqu'à ce qu'il retourne sommeiller sur
sa couche de plumes d'aigles abattus
Mais voici qu'il entraîne dans son sillage de
Mais voici qu'il entraîne dans son sillage de
maïs en fleur des silhouettes vaporeuses
de visages blancs à barbe de caverne
abritant mille scorpions au dard dressé et
des rumeurs impalpables de centaures
s'ébrouant dans des hennisse. ments issus
d'un sol révolté
Nul doute que le grand serpent à plumes las
Nul doute que le grand serpent à plumes las
d'une migration sans espoir ne revienne
vers son peuple aux yeux de cratère les
mains pleines de fleurs à chants de cristal
arrachés à la nuit et de fruits qui dorent
la vie cueillis entre les deux étoiles qui
jalonnent le sentier où du souvenir de
Tollan sanctifié par des vagabondages
guidés par des aigles et des jaguars
l'avait chassé la fourberie d'un miroir
fumant
Benjamin Péret, Air mexicain (extraits).