
Au vrai, la poésie surréaliste n'est pas d'essence différente de celle de toute poésie authentique. Elle est, au plein sens du terme, poésie - poésie libérée des contraintes formelles qui pesaient sur elle et dont les Romantiques furent les premiers à vouloir l'affranchir; poésie enfin rendue à cette pleine conscience d'elle-même que Rimbaud et Lautréamont, mais aussi Novalis et Nerval travaillèrent, parmi d'autres, à lui restituer. Et comme toute poésie véritable elle est une et multiple, ainsi que l'attestent la variété de ses formes, la diversité de ses chemins, le registre étendu de ses voix, dans le concert desquelles il n'est assurément pas besoin d'être un spécialiste, pour distinguer très vite celle d'Eluard de celle de Péret, celle de Breton de celle de Char, celle d'Artaud de celle de Desnos, ou, pour prendre des exemples parmi des poètes plus jeunes, celle de Duprey de celle de Joyce Mansour ou de Guy Cabanel.
On se rappellera jamais trop que le surréalisme , loin d'être une nouvelle forme poétique, se veut "un moyen de libération totale de l'esprit ("Déclaration du 17 janvier 1925").
Jean-Louis Bédouin , extrait de l'introduction à L'Anthologie de La Poésie Surréaliste.