La création mythique des peuples indiens de l’Amérique du Nord, l’usage et l’invention des noms indiens, les métamorphoses animalières, les litanies des chamans et des médecins, tous ces thèmes sont regroupés dans cette anthologie qui, après l’ouvrage pionnier de Benjamin Péret (1), constituera sans aucun doute une nouvelle référence dans ce domaine.
On ne peut que s’émerveiller de la fraîcheur poétique de ce langage singulier de la culture indienne, de la puissance analogique du verbe, non dénué d’humour. Si les traducteurs et préfaciers de l’ouvrage ont largement puisé dans les matériaux rassemblés par les anthropologues c’est avant tout le critère poétique, et lui seul, qui a présidé à leur choix. Rappelant que Benjamin Péret fut le premier, en France, à publier le Walam Olum (Partition rouge) ils affirment que la rencontre avec les indiens : « pour lui comme pour nous, ce fut une rencontre avec la poésie ».
L’ouvrage débute sur des extraits du Walam Olum dont la découverte fut longtemps entourée de mystère mais dont la genèse est ici scrupuleusement retracée dans l’introduction. Les auteurs ont suivi Benjamin Péret en préférant la version de Brinton plutôt que la traduction de l’édition plus récente, certes plus savante, mais souffrant du grave défaut d’effacer entièrement la dimension poétique du texte. L’ouvrage est composée de quatre parties : « Naissances », « Noms », « Métamorphoses », « Medecines » – quatre étant le nombre cosmologique sacré des indiens d’Amérique du Nord. Chacune de ces parties regroupe des récits issus des diverses tribus et ethnies indiennes : Cheyennes, Crees, Navajos, Nez-percés, Pawnees etc.
L’aspect le plus important de la pratique poétique indienne est sa dimension orale : l’acte de parole chez l'ndien « c’est que le dire est le faire ». Les auteurs insistent sur le fait que cette écriture du dire est alors une partition dont ils ont tenté de « transcrire les intonations, les silences, de distinguer ce qui est crié de ce qui est chuchoté, ce qui est lent de ce qui est rapide ». Ils ont voulu en conserver la magie et le souffle. Cette tentative nous semble réussie. Dans un temps où la poésie est en voie de disparition tout comme les indiens, nous pouvons dire que ces récits des origines peuvent agir comme un remède pour nous guérir de ce monde désenchanté.
Gérard Roche, Infosurr, n°80, mars-avril 2008.