L'Atelier fiction sur France Culture
par Blandine Masson (coordination)
Diffusée le mercredi 15 février 2012 de 23h à minuit
Ecouter l'émisssion sur France culture
Produit et réalisé par Michel Sidoroff
Depuis 1959, date de la disparition de Benjamin Péret, rares ont été les émissions radiophoniques consacrées à celui qui fut le compagnon d’aventure et de révolte d’André Breton, et l’un des tout premiers fondateurs du mouvement surréaliste.
L’autre raison du silence qui a régné autour de Péret tient précisément à cet aspect essentiel de sa vie : l’engagement révolutionnaire, d’abord au PC, puis très vite parmi les oppositionnels de gauche du PC, et enfin dans des allers-retours entre la IVème Internationale et le mouvement anarchiste. Quand d’autres, comme Aragon, chantaient le Guépéou de Staline et les mérites de la poésie « engagée », Benjamin Péret refusait d’asservir sa plume et rédigeait Le Déshonneur de poètes. Cela ne l’avait pas empêché d’écrire Je ne mange pas de ce pain-là, suite de cris politiques extrêmement violents, dont le caractère paroxystique est la justification artistique.
Depuis 1945, la puissance du stalinisme en France, son implantation profonde dans les milieux artistiques, résultat d’une alliance conclue avec De Gaulle, n’avait pas facilité la reconnaissance de Benjamin Péret, qui, d’ailleurs, ne la réclamait pas.
Les comédiens d’aujourd’hui connaissent peu Benjamin Péret. Il eut pourtant pour ami Pierre Brasseur, qui se fit un plaisir d’enregistrer les textes de Je ne mange pas de ce pain-là . Nous avons retrouvé, grâce à l’Association des Amis de Benjamin Péret, l’un de ces enregistrements. Nous l’avons placé au centre d’un parcours qui se veut à la fois une initiation à la poésie de Péret et le récit d’une courte aventure partagée avec les comédiens et l’équipe technique. On ne peut parler de sa poésie sans parler de sa vie, mouvementée, difficile, souvent romanesque. L’Amérique Latine y a pris une grande place ( Péret a écrit sur les mythes amérindiens et a traduit Octavio Paz). Le militantisme aussi. Gérard Roche, Guy Prévan, dans les entretiens, aident à tracer les grandes lignes de cette vie. Claude Courtot, auteur d’une Introduction à la lecture de B. Péret, explique malicieusement comment la nature même de cette poésie est rétive à l’analyse littéraire classique :
« Non n’est qu’une botte de radis qui se sèchent comme un quelconque président de la République »
Il ne fut pas difficile d’entraîner les comédiens et l’équipe, ravis de découvrir cette poésie si libre, dans quelques petites provocations, tracts à l’appui, qui nous permirent de tester l’impact des poèmes de Dormir dormir dans les pierres ou de Je sublime ou d’un titre comme Mort aux vaches et au champ d’honneur. La galerie Vivienne, la fac de Censier et le jardin du Luxembourg nous entendirent, dans des plans sonores variés... Nous avions pour cela créé le sigle L.O.H.S. : Les Ondes à l’Heure du Surréalisme…
« Et nous n’en finirions pas s’il nous fallait parler de tous les boutons de porte vomissant quand la main les empoigne de tous les escaliers qui se bouchent le nez
à cause du macchabée des cravates et des poissons rouges qui meurent de honte
et des pigeons qui refusent de se poser sur des nez tombés depuis trop longtemps dans le ruisseau où nul n’ose s’aventurer parce que trop vieux ou trop jeune
ou parce qu’il va perdre son train qui heureusement déraillera »
(Benjamin Péret, in De derrière les fagots)
Michel Sidoroff
Avec : Olivier Cruveiller, Audrey Meulle, Georges Claisse, Théa Boswell, Maryline Fontaine, Muriel Brener, Olivier Peigné, Pierre Forest
Entretien avec : Guy Prévan – Gérard Roche – Claude Courtot
Prise de son, montage et mixage : Olivier Dupré et Manon Houssin
Assistant de réalisation : Guy Peyramaure