Je suis à coup sûr, moins qualifié que quiconque pour parler d'André Breton parce que je ne pourrai jamais disposer du recul nécessaire pour apprécier une oeuvre et surtout une vie qui m'est si amicalement proche depuis près de quarante ans. Il n'en est pas moins certain que nul n'a su comme lui, dégager l'amour sublime des ronces qui le dissimulaient et lui restituer un éclat d'autant plus vif qu'il le soumet à l'éclairage d'une lucidité exceptionnelle. De Nadja à Arcane 17, il ne cesse de s'insurger contre l'état des rapports entre l'homme et la femme dans les conditions sociales d'aujourd'hui. A juste titre, il découvre le principal obstacle au triomphe de l'amour sublime dans les restrictions apportées aux possibilités de choix d'un objet d'amour par le cloisonnement auquel les hommes sont soumis. C'est sa révolte initiale qui lui a permis de poursuivre une quête qui, d'espoir en désespoir, l'a conduit à la passion partagée, à "posséder la vérité dans une âme et dans un corps".
Benjamin Péret, Anthologie de l'amour sublime, Editions Albin Michel, 1956, p. 352.