On sonne


Un saut de puce comme une brouette sur les genoux des pavés
une puce qui fond dans un escalier où je vivrais avec toi
et le soleil pareil à une bouteille de vin rouge
s'est fait nègre
esclave nègre fustigé
Mais je t'aime comme le couqillage aime son sable
où quelqu'un le dénichera quand le soleil aura la forme d'un haricot
qui commencera à germer comme un caillou montrant son coeur sous l'averse
ou d'une boîte de sardines entr'ouverte
ou d'un bateau à voile dont le foc est déchiré

je voudrais être la projection pulvérisée du soleil sur la parure de lierre de tes bras
ce petit insecte qui t'a chatouillée quand je t'ai connue
Non
cet ephémère de sucre irisé ne me ressemble pas plus que le gui du chène
qui n'a plus qu'une couronne de branches vertes où loge un couple de rouge-gorges

Je voudrais être
car sans toi je suis à peine l'interstice entre les pavés des prochaines barricades
J'ai tellement tes seins dans ma poitrine
que deux cratères fumants s'y dessinent comme un renne
dans une caverne
pour le recevoir comme l'armure reçoit la femme nue
attendue au fond de sa rouille
en se liquéfiant comme les vitres d'une maison qui brûle
comme un château dans une grande cheminée
pareille à un navire en dérive
sans ancre ni gouvernail
vers une île plantée d'arbres bleus qui font songer à ton nombril
une île où je voudrais dormir avec toi

Benjamin Péret, Un point c'est tout, suite de onze poèmes publiée pour la première fois dans la revue Les 4 vents (n°4, L'Evidence surréaliste, Paris, 1946) repris dans le recueil Feu central (Paris, K éditions, collection le Quadrangle, 1947). Oeuvres complètes, Eric Losfeld, "Le Terrain vague", tome 2, pp. 183-184.