Il semble qu'il faille, à l'issue de ce rappel chronologique, jeter un autre regard sur les quatre livraisons du Bulletin international du surréalisme. D'abord, il nous faut nous ôter de l'idée que le surréalisme international serait guidé de Paris comme l'internationale communiste est dirigée depuis Moscou. Il existe un surréalisme international, il n'y a pas d'internationale surréaliste. En fait le surréalisme international est à l'image du surréalisme belge qui n'a jamais été à la remorque de Paris et qui est resté diversifié. Ensuite, le groupe surréaliste de Paris a non seulement entretenu de nombreux échanges avec les surréalistes de Prague, de Tenerife et de Belgique, de mars à août 1935, mais juste après, au cours de la période de Contre-Attaque, il a envisagé des relations de connivence ou d'alliance avec les amis de Georges Bataille, affirmant en particulier la nécessité de renouveler le vocabulaire marxiste et même d'adapter, et non plus d'adopter, la pensée de Hegel. C'est ainsi qu'on doit comprendre que le surréalisme est foncièrement hétérodoxe, qu'il est moins soucieux de recruter des adeptes aux quatre coins du monde que de renouveler ses expériences et sa pensée. Son cheval de bataille d'alors, si l'on ose dire, est de créer un mythe nouveau. Enfin, il est patent que les surréalistes canariens ou anglais sont indépendants des surréalistes de Paris; c'est ainsi que, dans les déclarations collectives du Bulletin de Tenerife ou de Londres, la version française paraît souvent plus âpre que la version espagnole ou que la version anglaise.

Extraits de la préface de Georges Sebbag à l'édition Fac-similé du Bulletin International du Surréalisme, avril 1935-septembre 1936, "Bibliothèque Mélusine", L'Age d'Homme, janvier 2009.