(extraits)


legrandCeux qui l’ont connu savent qu’il n’était ni un homme d’argent ni un collectionneur : une cigale, qui attendait chaque année avec impatience « le retour du printemps », du soleil et des beaux jours, pour passer, s’il le pouvait, ses vacances en Italie. La maladie, le cancer, pour ne pas le nommer, le contraignit à renoncer à de trop longs déplacements. C’est à Blois qu’il passa ses deux dernières années. Il y fut heureux, recommença à travailler, à aller au cinéma, à collaborer à Positif et réussit à faire éditer son dernier livre : une version définitive DE L’ETERNITE, un florilège. Toujours cette obsession du temps, qu’il exprimait déjà à propos de Laura. Dans le dernier « bloc-notes » qu’il donna, quelques semaines avant sa mort, à Positif, il écrivait : « J’entends bien me vouer désormais au seul culte de la Beauté ». Avec un B majuscule.
Ce dernier été, il participa, pour France-Culture, à l’émission de Mathieu Bénézet sur Benjamin Péret, poète, donc révolutionnaire . Il y faisait l’éloge d’un homme « qui a été, tout au long de sa vie, intégralement surréaliste. Jusqu’à son dernier souffle ». « Et c’était peut-être le seul », ajoutait-il. Il parla magnifiquement du Déshonneur des poètes et de la si haute conception de la poésie qui s’y exprime. Sans nostalgie. Au présent. Le surréalisme n’était devenu pour lui ni un sujet d’étude, ni un simple souvenir de jeunesse. Il demeurait, une conception de la vie, qui vous engage à jamais.
 
Dominique Rabourdin, "Gérard Legrand en son temps", Trois cerises et une Sardine, n°7, février 2000.