Ça continue


La vieille valise la chausette et l’endive
se sont donné  rendez-vous entre deux brins d’herbe
croissant sur un autel habité par des tripes
Il en est résulté la création d’une banque hypothécaire
qui prête des oignons pour recevoir des fauteuils
Et le monde continue
Un petit tas de sable par ci
Un ressort abandonné par là
Une oreille en moins se retrouve
barbe poisseuse
dans un salon Louis XV
Et le chiendent aide la chienne de vie
qui lèche des culs et marche sur des pieds
Et nous n’en finirions pas s’il nous fallait parler
de tous les boutons de porte vomissant quand la main les empoigne

de tous les escaliers qui se bouchent le nez
à cause du macchabée des cravates
et des poissons rouges qui  meurent de honte
et des pigeons qui refusent de se poser sur des nez
tombés depuis trop longtemps dans le ruisseau
où nul n’ose s’aventurer
parce que trop vieux ou trop jeune
ou parce qu’il va perdre son train
qui heureusement déraillera

Benjamin Péret De derrière les fagots, Editions surréalistes, chez José Corti, 1934.
Œuvres Complètes, tome 2, Le terrain vague, Eric Losfeld, 1971, p.41.