Je reproduis ci-après un document - une procuration - que me donna Breton, témoignage de confiance qui me toucha beaucoup. Un fac-similé en a été reproduit dans un numéro de Dragée Haute par Noël Arnaud. Le texte est dactylographié, mais Breton a écrit lui-même la date et le «Bon pour pouvoir», et a signé de sa main, au-dessus du nom dactylographié:
"Je soussigné, André Breton, agissant au nom et comme mandataire de M. Geyser Péret, en vertu de la procuration générale qu’il m'a donnée, donne procuration spéciale à M. Jean-Pierre Lassalle pour les opérations suivantes
Dresser l'inventaire des meubles et objets dépendant de la succession de Benjamin Péret et qui se trouvent actuellement, 17 rue Gramme à Paris, dans une chambre dont M et Mme Bédouin sont les locataires principaux;
Prendre toute mesures utiles pour assurer la conservation des dits meubles et objets de façon à ce que M et Mme Bédouin puissent utiliser la chambre.
Bon pour pouvoir
André Breton
La succession de Benjamin Péret avait traîné car son fils et seul héritier était brésilien, officier supérieur dans l’Aviation, et avait donné tout pouvoir à Breton. Péret était, on le sait, plutôt cigale que fourmi et vivait au jour le jour. Les Bédouin lui avaient procuré une chambre, rue Gramme, et il se plaignait d’être très mal logé. Il y avait entassé livres et documents, dont de nombreuses photographies d’identité de militants de la IVe Internationale, sans noms pour identification, obscurs témoins d’années de militantisme.
Je procédai à ce travail exténuant d’inventaire, avec l’aide de Jean-Louis Bédouin. Je garde un bon souvenir de ces heures pourtant harassantes. J’avais noué d’excellentes relations avec les Bédouin. Jean-Louis, poète, très cultivé, avait épousé l'ex-femme de Pierre Seghers, Anne, qui était une lectrice attentive de Gurdjieff. Elle m’avait fait découvrir les Récits de Belzébuth à son petit-fils dont les premières pages sont étonnantes.
Jean-Pierre Lassalle, « Ma correspondance avec André Breton », Dossier Surréalisme, Histoires Littéraires, janvier-février-mars 2009, n° 37, p. 15.